Eygun, les travailleurs émigrés

Dès 1914, le chantier de la construction de la liaison ferroviaire Pau-Canfranc est stoppé. Un de ses outils industriel, les ateliers d’Eygun, est reconverti en usine de production d’obus. Le manque de main d’œuvre locale amène à faire appel à plusieurs milliers d’ouvriers espagnols. Ils y travaillent pour des salaires de misère qui leurs permettent toutefois de fuir la pauvreté de leurs villages aragonais. Ils construisent eux-mêmes des baraquements de fortune pour se loger, et font face parfois à l’hostilité des Aspois, qui vivent mal la présence de cette communauté épargnée par la guerre sur un territoire vidé par l’appel au front et où les deuils s’enchaînent.

L’industrie de guerre est vue ici comme une machine dévorant les hommes. Les engrenages en sont la métaphore, qui broient et effacent la singularité des individus pour les transformer en armes au service d’une folie meurtrière, happant au passage des migrants économiques contraints de gagner leur vie au sein d’une production de guerre. Une mécanique infernale confinant à l’absurde, tel un sinistre manège capable de dresser ses victimes les unes contres les autres.